Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Archéo Mellois textes et documents
12 août 2007

1787 : le dernier bail du prieuré de Mougon

situer_Mougon_agrandi
  Deux ans avant l'effondrement du système et la disparition des prieurés, voici le dernier bail de ferme générale, signé à Niort le 29 novembre 1787 entre "Messire Louis Mathias de Barral, prieur commendataire du prieuré simple et régulier de St Jean Baptiste de Mougon", et "le sieur Jean-Pierre Savin, demeurant ordinairement au bourg de Mougon".

  Le bail, conclu pour une durée de neuf ans à partir de Notre-Dame de mars 1788, aurait donc dû logiquement se terminer vers le 16 ou 17 ventôse an IV. A cette date les biens du ci-devant prieuré du ci-devant Saint Jean auront été deux fois adjugés et vendus, d'abord au citoyen JB Monnet-Lorbeau pour 160.000 livres, puis au citoyen C Auditeau pour 90.000 livres.


le prieur et son fermier

  Il s'agit manifestement d'un premier bail, et non d'une reconduction, sinon Savin aurait déjà en sa possession les papiers du prieuré. Le fermier est donc nouveau. A qui succède-t-il ? Probablement au sieur JB Monnet de l'Orbeau, dont la famille eut la ferme générale du prieuré pendant la plus grande partie du XVIIIème siècle. Et pourquoi y a-t-il changement de fermier ? Bonne question …
  Depuis quand Louis-Mathias de Barral est-il prieur de Mougon ? Autre bonne question.

le temporel et son loyer

  Hélas pour nous, le temporel du prieuré n'est pas détaillé, parce que Savin le connaît bien.

Le loyer de 8.173 livres sera expédié à Paris en deux versements annuels, en septembre et en  décembre. Le fermier a en outre à sa charge les décimes et tous les autres frais. Malgré tout Barral se plaint de consentir ce bail "à si vil prix".
  Dans une note marginale rajoutée entre 1789 et 1792, Savin affirme faire un versement  supplémentaire de 1.800 livres chaque année en mars, et avoir payé un pot-de-vin de 4.800 livres à la signature du bail. Ce qui porte le loyer annuel à plus de 10.500 livres net.  Soixante-dix ans plus tôt le prieur Urbain Particelle ne touchait qu'un loyer de 3.500 livres, grevé de 1.000 livres de décimes. Effet de l'inflation ?

Que sont-ils devenus ?

  L'abbé Louis-Mathias de Barral, après la tourmente révolutionnaire, devint archevêque concordataire de Tours. Largement compromis dans la politique religieuse du premier empire, il fut écarté à la restauration comme trop bonapartiste et gallican.

  Le citoyen JB Monnet-Lorbeau, ancien fermier général, acheta en 1791 les biens du prieuré, puis les rendit, les conditions juridiques ayant évolué. Un de ses fils s'engagea dans l'armée de la république (bataillon "le Vengeur"), devint général d'empire, et chevalier de Saint-Louis à la restauration. Le général Louis-Claude Monnet de Lorbeau mourut en 1819 au château de Boirac.

  Le citoyen Melaine Dillon, ci-devant curé de Mougon depuis 1786, se défroqua en nivôse an II, voulut s'engager dans l'armée de la république, y échoua, fut employé de mairie à St-Maixent, puis se rétracta en l'an IV et vint exercer clandestinement à Etusson. Il en devint curé concordataire.

  Le citoyen Jean-Pierre Savin devint juge de paix du canton de Celles. En l'an V il se porta acquéreur de l'église de Mougon, qu'il fit démolir.

"Une vieille coutume locale, depuis longtemps disparue, voulait que l'on fixât aux portes des habitations, le jour de la Saint-Jean, une croix faite de feuilles de noyer. Si elle était encore en place, le soir venu, c'était un heureux présage pour toute la maisonnée." (Maurice Poignat)



(note marginale d'époque révolutionnaire)

  Le sieur Savin f[ermi]er, dénommé au présent acte, a déclaré qu'outre les prix, charges, clauses et conditions portées audit présent bail, il paye par année une somme de dix huit cent livres portée par une contre-lettre sous seing chaque fête de Notre Dame de mars, et que d'ailleurs il a payé à Monsieur Barral prieur une somme de quatre milles huit cent livres de pot-de-vin et dont il a la quittance. Il a affirmé le tout sincère et véritable, sans autre contre-lettre ni plus fort pot-de-vin, et s'est réservé à demander l'indemnité qui lui revient à cause des droits supprimés et abolis sans indemnité compris au présent bail, le tout suivant qu'il appert par le registre des affirmations des beaux de domaines nationneaux.
   Riche



29 9bre 1787

  Par devant les notaires royeaux à Niort sous signé furent présents :

- Messire Louis Mathias de Barral, prieur commendataire du prieuré simple et régulier de St Jean Baptiste de Mougon, diocèse de Poitiers, demeurant ordinairement à Paris, rüe de Seine, hôtel de Mirabeau, paroisse de St Sulpice, de présent en cette ville de Niort dans l'hôtel de Mr le vicomte de Rault, Rue Basse, paroisse de St André

- Sieur Jean Pierre Savin, md demoiselle Jeanne Quillet, son épouse, de luy düement auctorisée à l'effet des présentes, demeurants ordinairement au bourg et paroisse de Mougon, étant de présent en cette dite ville, Rue Ste Marthe, paroisse de Notre Dame.


  Lequel dit Messire de Barral, en sa dite qualité de prieur de Mougon, a par ces présentes fait bail et donné à ferme, audit Savin et son épouse, ce acceptant, avec promesse de les faire joüir pendant l'espace de neuf années entières et consécutives, qui commenceront à la Notre Dame de mars de l'année prochaine mil sept cent quatre ving huit,

  le château prieural du dit Mougon, maisons, clôtures, bois, terres, prés, métairie, moulins, fours baneaux, domaines, cens, rentes, dixmes, terrages, complants, droits, revenus de fief, ventes, honneurs, amandes coutumières et autres émoluments du fief, et générallement tout ce qui compose le revenu temporel du dit prieuré de Mougon, sans aucunes exceptions ni réserves ;

  de tous lesquels lieux et biens affermés il n'a été fait aucune désignations plus spéciale à la réquisition des preneurs, qui ont déclarés et déclarent  avoir parfaite connoissance par le détail, pour avoir demeurants depuis nombre d'années au dit Mougon, pour quoy les sus dits preneurs se sont déclaré contents et satisfaits de la désignation générale qui en est cy dessus faite,

pour joüir par lesdits preneurs des objets compris au présent bail audit titre pendant les neuf années.


  Ce bail est fait pour et moyennant le prix et somme de huit milles cent soixante et treize livres, que le sieur Savin et son épouse, solidairement l'un pour l'autre et un seul pour le tout, renonçant à cet effet au bénéfice de division ordre de droit de discution et éviction de bien, que nous notaires leur avons expliqué être tels que de deux ou plusieurs obligés ensemble pour même chose, un seul ne peut être contraint pour le tout sans les dites renonciations, ce qu'ils ont déclaré bien entendre et sçavoir, promettent et s'obligent de payer à mon dit Sieur abbé de Barral, prieur de Mougon, en son dit hôtel rue de Seine hôtel de Mirabeau, ou à tout autre domicille qu'il luy plaira choisir dans la dite ville de Paris en le faisant préalablement notifier au dits preneurs,

  en deux termes et payements égaux de quatre mille quatre ving six livres dix sols chacun, dont le premier échéra et se fera à la St Michel vingt neuf septembre mil sept cent quatre ving huit, le segond au jour et fête de nöel suivant, ainsi continuer d'année en année et de terme en terme jusqu'à la fin du présent bail, qui est fait en outre aux charges et conditions suivantes :

- De garder et tenir les lieux présentement loués garnis de meubles et effets suffisants pour répondre du prix du présent  bail à ferme et de ses charges.

- d'entretenir les couverts des bâtiments de la main de l'ouvrier seulement.

- d'entretenir aussi les bâtiments de réparations locatives jusqu'à la concurrance de ving livres par an, et d'ans le cas où il conviendroit d'en faire de plus considérables les dits preneurs ne pourront les faire que du consentement exprès et par écrit du dit sieur bailleur.

- laisseront les dits preneurs à la fin du présent bail les bâtiments et dépendances du dit prieuré au même état qu'ils leurs auront été livrés et suivant la visite qui en sera faite à l'amiable.

- Les dits preneurs feront la coupe des bois taillis en commançant par les plus anciens qui auront atteints l'âge de sept ans, et en saison convenable, laissant le nombre des baliveaux nécessaire, sans pouvoir faire couper aucun arbre par pied, sinon les bois morts, à condition toute fois que par chaque arbre arbre mort qu'ils couperont ils seront tenus d'en planter deux vif à la place.

- ne pourront les dits preneurs céder ny transporter le présent bail en tout ny en partie sans le consentement exprès et par écrit du dit sieur bailleur.

- Ils feront exercer la justice du dit prieuré et châtellenie de Mougon à lau […] et au nom du dit sieur prieur

- ils poursuivront aussi […] civil où il auroit intérest, également […] 

- à l'égard des procès criminels les dits preneurs seront également tenus d'en faire la poursuite dans la juridiction du dit Mougon, et d'en avancer les frais, qui leur seront remboursé sur le domaine de sa majesté aux termes de l'édit du mois de février mil sept cent soixante et onze,

- et, dans le cas où par négligence ou autrement ils seroient prévenus par les juges royaux, les frais seront à la charge des dits preneurs sans aucune répétition contre ledit sieur  prieur, qui dans aucun cas ne pourra être tenu des frais qui pourront être faits dans la justice du dit prieuré pour les affaires criminelles.

- Seront tenus les dits preneurs de nourir les officiers de la dite justice lorsqu'ils iront en faire les fonctions ou qu'ils travailleront pour le bien du dit prieur

- de plus ils s'obligent de payer et acquiter annuellement, aux époques accoutumées, à la décharge du dit sieur prieur et sans aucune diminution du prix du présent bail, les charges et obligations suivantes sçavoir :

* 1° à l'hôpital général de cette ville de Niort la quantité de deux cent boisseaux de bled mesure rase du dit Niort dont un tiers froment et les deux tiers baillarge

* 2° la redevance de soixante boisseaux de bled même mesure un tiers froment et les deux tiers baillarge due par le dit sieur prieur au curé de Mougon

* troisièmement la redevance de cent […] livres en argent due également au dit sieur curé de Mougon par le dit sieur prieur

* quatrièmement de payer annuellement et aux époques fixées pour les décimes dans le diocèse la somme de dix neuf cent livres pour l'acquit des décimes dües par le dit sieur bailleur à raison de son prieuré de Mougon

* et de l'acquit de toutes ses charges et redevances cy dessus mentionnées

- les dits preneurs s'obligent aussi de raporter annuellement au dit sieur prieur les quittances et pièces justificatives à peine de répondre des dommages intérest qui seroient occasionnés par aucun délais, de les acquiter aux échéances accoutumées le tout comme il a été dit sans aucune déduction du prix du dit présent bail.

- et si les dites charges et redevances se trouvoient par erreur plus ou moins considérables en réalité qu'elles ne sont portées par le présent bail, ou si par quelque événement imprévu elles venoient à augmenter ou diminuer, les dits preneurs s'engagent également à les acquiter à la décharge du dit sieur prieur, lequel de son côté s'oblige à leur tenir compte de l'excédant ou de la diminution du prix des susdites charges et redevances, que les dits preneurs ne s'obligent à acquiter à leurs frais qu'à la concurrance  les quotités et sommes énoncées cy dessus dans le présent.

- convenu en outre que les dits preneurs acquiteront pendant la durée du dit bail les autres charges et  redevances, si aucunes il y a, à la décharge du dit sieur prieur, lequel de son côté s'engage à leur en tenir compte sur le prix du bail, en raportant par eux les quittances et pièces justificatives des dites autres charges et redevances.

- ne pourront lesdits preneurs prétendre aucune diminution du prix du présent bail sous quelque prétexte que ce soit, même de grêle, de stérilité et autres cas imprévus, laquelle clause ne pourra être réputée comminatoire, mais sera exécutée comme faisant partie essentielle du présent bail, sans laquelle il n'eût pas été consenti par le dit sieur prieur à si vil prix

- les dits preneurs seront également tenus de planter des arbres fruitiers, comme noyers et autres, autour des prés et fontaines du prieuré, dans les endroits où il en manquera, et de planter aussi les arbres qu'il conviendra dans le dit clos.

- sont aussi compris au présent bail tous droits de retraits à retenues féodales, pour par les dits preneurs les faire valoir et exercer à leur risque périls et fortunes, sans aucune répétition contre le dit sieur prieur, à quelque titre que ce puisse être.

- Sera loisible aux dits preneurs de conserver les deux garde qui ont été précédemment établis pour garder les terres et dépendances du dit prieuré sous le nom du prieur, à la charge par eux de les payer des gages dont ils auront pu convenir, sans que la présante permission puisse tirer à conséquence contre le dit sieur prieur, ni que cela puisse l'obliger à soutenir l'établissement des dits gardes, auxquels les dits preneurs fourniront à leur frais à l'ordinaire, si bon leur semble, les bandoulières nécessaires.

- S'oblige le dit sieur prieur de remettre ou faire remettre aux preneurs, dans le délais de six mois tous les titres et papiers concernant les droits et revenus du dit prieuré, dont ils luy fourniront leur reconnoissance afin de pouvoir exiger d'eux la remise desdits titres et papiers à la fin du présent bail.

- Les preneurs s'obligent de faire enregistrer ces présentes dans un mois au plus tard au bureau des gens de mainmorte, et d'en fournir une grosse en parchemin au dit sieur prieur dans le même délais, et de luy remettre à la fin du présent bail un état de tous les biens fonds, terre et héritage dudit prieuré, par plan figuré, tenant et aboutissant, d'eux certifié véritable, le tout aux frais des preneurs.


  A l'instant ont également comparu en personne devant nous dits notaires Monsieur Loüis Jacques Bernier […] apque consulaire de cette ville de Niort, et demoiselle Marie Ursulle Perraine, son épouse, aussi de luy düement auctorisée à cet effet, demeurant en cette dite ville, rue de la Juverie, paroisse St André,

  lesquels après que lecture leur a été par nous donnée du présent bail et qu'ils en ont pris connoissance eux même, ils ont déclarés le bien entendre en tout son contenu,

  en conséquence se sont volontairement rendus et soumis cautions et répondant pour ledit sieur Savin et son épouse de l'exécution du présent bail envers ledit sieur prieur de Mougon, se faisant ont promis et se sont obligés, conjointement et solidairement avec iceluy dit sieur Savin et son épouse, sous les renonciations de droit cy dessus établies, que le dit Bernier sçait, et que nous avons expliqués et donnés à entendre à la dite demoiselle son épouse, au payement du prix du présent bail dans les termes y portés, et à l'entière exécution de toutes les autres charges, clauses et conditions d'iceluy, générallement et sans restriction, à peine de tous dépens dommages et intérest.


  Tout ce que dessus a été ainsi voulu, stipulé et accepté par les parties, qui à l'entière exécution ont obligés et hyppotéqués, sçavoir les dits preneurs et cautions touts leurs biens meubles et immeubles présent et avenir, même les dits sieur Savin et Bernier leur personne à tenir prison close attendu qu'il s'agit de fermage, et le sieur prieur touts les revenus temporels de son prieuré de Mougon,  dont ce requérant jugées et condamnées par nous dits notaires.

  Fait et passé au dit Niort, au domicille de mon dit sieur vicomte Rault, après midi le ving neuf septembre mil sept cent quatre ving sept.

  Lu aux dites parties qui ont signé : ainsi signé à la minute l'abbé de Barral prieur de Mougon,  J. Savin, Jne Quillet, Marie Ursulle Perraine, Bernier, Piet, Rochetand et Baudin.

  Controllé à Niort le 14 Xbre 1787. Recües sept livres scél et signature

   Signé Faure Baudin   

document conservé aux archives départementales des Deux-Sèvres

photo Anne Brun - Lecture François Vareille

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité